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Figure de proue - MARGUERITE JAUZELON - Une ambulancière réunionnaise
MARGUERITE JAUZELON, Une ambulancière réunionnaise sur le front des combats 1944-45 Marguerite Jauzelon est née le 25 juillet 1917 à Ravine Creuse (St André), où son père dirigeait l'usine sucrière. Elle rêvait d'être aviatrice : folie pour son père... Alors ce sera l'école normale, puis institutrice. Après l'armistice du 22 juin 1940, La Réunion est sous l'autorité du régime de Vichy. Envoyé par le général de Gaulle à bord du contre-torpilleur Léopard pour rallier la Réunion à la France Libre, André Capagory débarque à Saint Denis le 28 novembre1942 et devient gouverneur de la colonie. Le gouverneur vichyste Pierre Aubert, alors retranché à Hell Bourg, se rend 2 jours plus tard. Le Léopard repart avec à son bord les premiers jeunes réunionnais engagés dans les troupes combattantes de la France Libre. Le patriotisme de Marguerite Jauzelon la fait piaffer d'impatience : comment aider mon pays ? En novembre 1943, le général Lelong commandant les troupes de l'Océan Indien est en inspection à La Réunion, la lieutenante Schliklin qui l'accompagne recrute du personnel féminin pour l'Armée de Libération basée en Afrique du Nord : Marguerite Jauzelon saisit l'occasion qu'elle attendait elle veut servir sur le front des combats comme ambulancière et s'engage. " Si mon père avait été encore là, je crois qu'il se serait certainement opposé à mon engagement ". Il était décédé d'une crise cardiaque le 17 avril 1943. " Ma mère, en revanche, me soutient et m'approuve ".
Le 23 novembre 1943, la jeune institutrice de 26 ans embarque sur le Galliéni avec cinquante autres jeunes réunionnaises. À Madagascar le capitaine responsable de la formation décide que Marguerite Jauzelon sera secrétaire : - " Mon capitaine, je me suis engagée pour être ambulancière. Je ne veux pas rester dans un bureau. " - " Taisez-vous, Jauzelon, vous devez obéir. " Marguerite s'obstine et finalement sera ambulancière. D'ailleurs elle a déjà son permis et conduit depuis plusieurs années. " Mon idée, dit-elle, est de devenir ambulancière afin de libérer un homme qui pourra aller se battre ". En mai 1944 embarquement à Tamatave et arrivée à Alger le 7 juillet. Premier bombardement, baptême du feu. Imaginez la joie et la fierté de ces jeunes réunionnaises qui défilent le 14 juillet 1944 devant le général de Gaulle. Puis direction Oran, affectation au 431ème Bataillon Médical Colonial. Marguerite Jauzelon est nommée chef de voiture d'une ambulance qu'avec sa coéquipière elles baptisent " L'hirondelle ". Le 29 juillet 1944 elle quitte Oran à bord du Sidi-Brahim, au sein d'un immense convoi. Attaque aérienne. Des bateaux sont touchés. Le Sidi-Brahim descend un avion allemand.
À Ajaccio derniers réglages. Le débarquement en Provence a commencé le 15 août 1944. Le 21 août Marguerite embarque au volant de son " hirondelle " sur un LST de l'US Navy, qui fonce le 23 août au matin vers la plage de la Nartelle près de Ste Maxime. Les roues dans l'eau, crabot enclenché, Marguerite lance son ambulance Dodge 4x4 et franchit la plage. Elle raconte : " C'est la première fois que je foule le sol de la métropole. Quelle émotion ! Autour de nous le canon tonne. Les montagnes flambent. Cette fois-ci, c'est bel et bien le front. " Direction Cavalaire, puis Toulon. " Le long du chemin, on nous ovationne, on nous offre les fruits de l'été provençal ", se souvient Marguerite. A Toulon, première mission des ambulancières : évacuer les blessés du Fort Ste Marguerite où les milliers d'Allemands qui y sont retranchés se sont rendus. 26 août Salon de Provence, Solliès-Pont, Pont St Esprit : c'est la remontée de la vallée du Rhône avec la 1ère Armée. Puis Autun, puis la terrible bataille des Vosges (3 octobre au 8 décembre 1944), puis Colmar. Le quotidien : de jour, de nuit, charger des blessés, les soigner, les réconforter. " Nous sommes confrontées à la mort, à l'horreur des blessures et des peines...
Un jour, raconte-t-elle, un tout jeune blessé allemand me prend la main. Il y dépose un baiser et me demande d'écrire à sa mère tout ce que j'ai vu. Il se sent mourir. Je l'ai fait en pensant que si français et allemands, tous les peuples, pouvaient se donner la main, il n'y aurait plus de guerres. " Elle ajoute : " Un médecin m'a surnommée " réglisse ", à cause de ma couleur de peau et, disait-il, à cause de ma douceur auprès des blessés ". L'hiver 44-45 est rude en Alsace pour nos braves petites réunionnaises qui découvrent les joies de la conduite sur neige et verglas. La conduite de nuit feux éteints ajoute aux risques. Guère le temps d'avoir peur, ni de récupérer. On dort parfois à même le sol dans son sac de couchage, dès qu'un répit le permet. Le Rhin franchi sur un pont de bateaux avec la 1ère Armée, on entre en Allemagne en avril 1945. L'évacuation des blessés continue : Kandel, Pforzeim, Tübingen et ... le 8 mai 1945 à Kleininstingen on chante, on danse. L'Allemagne a capitulé. Elles sont neuf ambulancières réunionnaises basées à Reichenau sur les bords du lac de Constance. Non loin de là, à Mainau sur le même lac de Constance deux réunionnais, des résistants déportés, survivants du camp de concentration de Mauthausen, sont soignés dans un château que le comte Bernadotte de Suède a prêté au général de Lattre pour servir d'hôpital il s'agit de Teddy Piat et de Jean Joly. Jean Joly, 1,85 mètre, ne pèse plus que 37 kilos. C'est ce même Jean Joly qui lui remettra les insignes de chevalier de la Légion d'Honneur sur le front des troupes le 30 août 2002 à la caserne Lambert. Démobilisée en novembre 1945, Marguerite Jauzelon rentre à la Réunion et reprend son poste d'enseignante à St André.
Elle conclut : " Et la vie continue ...J'ai conscience d'avoir effectué une bonne action au cours de ma vie ". Une bonne action, tout simplement ! Quelle modestie. Bel exemple pour ces jeunes, auprès de qui elle n'a cessé de témoigner pendant de longues années après sa retraite, et à qui elle dit : " Malgré les obstacles que vous rencontrerez - car il y en aura en ces temps difficiles -, ne désespérez jamais... Vous parviendrez ainsi à atteindre votre idéal ". En la personne de Madame Jauzelon, il ne faut pas se contenter d'admirer une figure du passé. Marguerite Jauzelon est surtout une messagère d'espoir. A. de Vigny a écrit que " L'honneur c'est la poésie du devoir " moi j'ajoute que Marguerite Jauzelon a su porter le devoir sur les sommets de l'honneur. Aussi je suis particulièrement fier d'avoir eu l'honneur, le 18 juin 2012 dans les salons de la Préfecture de La Réunion, d'accrocher sur sa poitrine les insignes d'officier de la Légion d'Honneur. Ses décorations : Officier de la Légion d'Honneur Croix de la Libération Croix du Combattant volontaire Croix du Combattant Officier des Palmes Académiques Médaille commémorative de la guerre 1939-1945 Habitant Saint Denis, Marguerite aura 103 ans dans deux mois. Yvon LUCAS 17 mai 2020
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